« Les bureaux de tabac jouent un rôle crucial dans l'accès aux services de proximité, en particulier dans les zones rurales et périurbaines, où les services et commerces ont tendance à se raréfier. On l’oublie souvent, mais cette profession est créatrice de lien social. Au fil des années, on s’est un peu reposé sur nos lauriers. Il y a peu de temps, nous étions derrière La Poste en termes de service client », commente Philipe Coy, président national de la confédération et buraliste, basé à Lescar.
Afin d’enrayer la fermeture de ces lieux (une centaine dans les Pyrénées-Atlantiques ces dernières années) et trouver des réponses concrètes aux mutations sociétales et économiques, la Confédération nationale des buralistes s’est engagée en 2018 dans un grand plan national de transformation de ces points de vente.
Grâce à cet accompagnement financier et technique, 4.500 buralistes ont bénéficié de ce plan, dont 26% d’indépendants dans les Pyrénées-Atlantiques. « L’objectif est de faire évoluer notre réseau, aider les professionnels à se réinventer, sans pour autant se renier. La vente de tabac restera notre cœur de métier. Les buralistes ont compris que la clé de leur survie est la diversification. Aujourd’hui, le buraliste doit jongler avec de multiples casquettes et se diversifier », précise-t-il.
Comment bénéficier de ce soutien ?
Chaque établissement peut prétendre à une aide financière de 30% du montant total de ses travaux (plafonnée à 33.000 euros) et cumulable avec d’autres aides des collectivités locales et territoriales. Il doit intégrer obligatoirement deux éléments éligibles au dispositif sur l’extérieur et deux éléments à l’intérieur de son point de vente.
Avec l’appui économique des Chambres de commerce et d’industrie, les professionnels qui souhaitent bénéficier de ce plan de transformation font l’objet d’un audit et d’un accompagnement sur mesure. Celui-ci permet d’identifier les axes d’amélioration en matière de travaux, d’agencement, et les opportunités commerciales à privilégier.
Par ailleurs, chaque professionnel avec un chiffre d’affaires tabac inférieur à 500.000 euros annuel sur l’année N-1 pourra percevoir une aide financière à hauteur de 50 % du montant total des travaux.
Pour ce qu’ils appellent la « saison deux » du plan de transformation, Philippe Coy et Jérôme Récapet, président départemental de la Confédération, veulent aller au contact des buralistes « hésitants ». À l’horizon 2027, la Confédération s’est fixée un objectif ambitieux « mais réalisable » de 10.000 points de vente transformés.
Pour les convaincre, ils ont dans leurs bagages un solide argument : les témoignages des buralistes qui ont sauté le pas ! « Avec cette transformation, l’idée est d’apporter du flux. Il faut se remonter les manches, affronter les difficultés et recréer une dynamique commerciale », résume Philipe Coy.
Les collectivités soutiennent également ce plan de transformation. En effet, au-delà des 100 millions d’euros sur cinq ans, elles accordent une autre aide financière (jusqu’à 5.000 euros) aux buralistes exerçant dans les communes de moins de 5.000 habitants.
Un programme aux retombées positives
Selon une enquête réalisée entre octobre et décembre 2022 par CCI France auprès de 122 buralistes transformés, 69 % des répondants ont modifié leur point d’encaissement, 75 % ont créé un nouveau parcours client, 51 % ont embauché un ou une salarié(e), 92 % constatent que la transformation a permis de capter de nouveaux clients, 87 % ont augmenté le panier moyen, 78 % notent une augmentation du rythme de fréquentation et 68 % estiment que la transformation permet de répondre à de nouvelles attentes de leur clientèle.
De nouveaux services de proximité
L’image du tabac-presse-jeux est désuète. Depuis quelques années, ces commerces de proximité ont été obligés de s’adapter de diversifier leurs activités, avec la vente de produits de vapotage, points de retrait de colis pour du e-commerce de type Mondial Relay ou encore l’encaissement des fiscalités du quotidien depuis 2019 (amendes de stationnement, avis d’imposition, la crèche, la cantine, la taxe d'habitation, la taxe foncière…) dans 14.600 points de vente.
En plus de la vente de tabac, de presse et de jeux, ces établissements proposent aussi un service bancaire alternatif Nickel est le 1er réseau bancaire des buralistes en France, avec 7.700 points de contact et 3.5 millions de clients.
Grâce à ce programme, les bureaux de tabac pourraient jouer un rôle encore plus important dans les territoires, notamment en tant que relais de services publics et acteurs de la transition numérique. Ils ont également le potentiel de devenir des plateformes locales pour la promotion des produits du terroir et du développement durable.
Dans sa volonté de proposer toujours plus de services à ses clients, la profession est parvenue à conclure en 2020 un partenariat historique avec la SNCF-TER, afin de multiplier les points de vente de billets de transports. À noter que ce service n’est pour l’instant pas disponible en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie.
Autre exemple, la société de transport de fonds Loomis favorise l’accessibilité aux espèces dans les territoires où le paiement en numéraire est encore largement plébiscité par les Français. Dès 2023, 400 buralistes ont manifesté leur intérêt pour installer un distributeur automatique de billets dans leur point de vente.
Du côté du snacking ou bien des loisirs, les projets de développement sont d’autant plus légitimes qu’une offre historique était déjà disponible chez une majorité de buralistes : boissons, chewing-gums, jeux d’argent, presse…
Ce dispositif de transformation doit permettre d’accroître cette offre existante et de s’étendre à d’autres services de niches, comme on a pu le voir avec la vente de cartouches de fusils pour les chasseurs.
Par ailleurs, depuis deux semaines, l’opérateur d’autoroute SANEF retire ses barrières d’autoroute. Les usagers ont jusqu’à 72 heures pour payer leur déplacement, via le site internet de l’entreprise, ou bien en bureau de tabac. À moyen terme, c’est aussi une piste de déploiement à l’échelle nationale pour les buralistes.
Lutter contre le marché parallèle et contre la fiscalité punitive
La lutte contre le marché parallèle et contre la fiscalité punitive du gouvernement sont deux sujets majeurs pour la Confédération des buralistes. En 2022, l’organisation a signé une convention de partenariat avec le préfet des Pyrénées-Atlantiques, la police et les douanes pour renforcer la lutte contre tous les trafics.
Le président de la Confédération des buralistes attend de la part des pouvoirs publics un plan de lutte contre les marchés parallèles (trafics, ventes transfrontalières, contrebande, contrefaçon, achats sur internet…), qui représente aujourd’hui jusqu’à 30 % de la consommation de tabac en France. Avec, à la clé, une évasion fiscale galopante (cinq milliards de recettes perdues chaque année).
En plus de la pérennité de leur commerce, ce plan de transformation a un impact positif sur la transmission des commerces. La Confédération des buralistes constate d’ailleurs une belle dynamique dans le renouvellement des professionnels : 30 % de ventes de fonds de commerce supplémentaires par rapport à 2018.
Les repreneurs sont le plus souvent des trentenaires ou des quadragénaires, avec une nouvelle vision du métier. L’organisation vient d’ailleurs de créer une commission dédiée à ces jeunes buralistes (plus 230 buralistes français ont moins de 23 ans).
Noémie Besnard
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