Fils d’agriculteur à Gotein, Michel Etchebest a fait des études agricoles avant de vivre des expériences professionnelles dans l’agroalimentaire, notamment dans une Scop à Hélette. C’est en 1985, qu’il crée sa première société : EBL, spécialisée dans le moulage polyester.
Vous avez toujours eu une approche inspirée de valeurs fortes…
Michel Etchebest – Notre raison d’être est affichée clairement : « développer et pérenniser l’emploi localement, et favoriser l’épanouissement personnel et collectif de l’ensemble des salariés dans un groupe fort et indépendant ». Le respect de la personne, la loyauté, l’esprit d’équipe sont au coeur de nos préoccupations. Notre fierté est d’avoir su créer un groupe industriel dont l’essentiel de l’activité des 7 filiales est basé en Soule et qui réalise un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros. Nous avons montré que c’était possible et nous voulons absolument pérenniser cet ancrage local.
D’où la création d’une fondation ?
M. E. – Cela fait 10 ans que je réfléchis à la meilleure manière de garantir l’indépendance du groupe, mais aussi le maintien de l’activité en Soule et dans les environs. J’ai observé différentes formules, et ce qui a retenu mon attention c’est le transfert de tout ou partie du capital à une fondation. Il en existe 4 exemples en France, comme la Fondation Pierre Fabre et la Fondation Varenne, actionnaire référence du groupe de presse Centre France. Autre exemple : la Fondation Bosch qui détient 93% du capital de ce groupe allemand qui emploie 300.000 personnes et qui n’est donc pas en bourse. J’ai donc décidé de faire un don de mes actions, soit 76% du capital, à la fondation. Les autres actions appartenant aux salariés.
C’est un geste aussi fort que rare…
M. E. – Personnellement, je ne suis pas intéressé par l’argent en soi, mais par ce qu’on peut en faire. Au-delà de cette donation de mes parts d’Artzainak à une personne morale, je transmets aussi une culture, avec une sorte de charte morale générée par cet acte. Même moi, j’ai conscience que je ne perçois pas encore tout le jus, tout le bienfait que l’on peut tirer d’une transmission à ce type de structure. C’est fort en termes de sens et de finalité.
Le principe de la fondation ?
M. E. – C’est une personne morale d’utilité publique qui devient propriétaire majoritaire du groupe. La fondation est administrée par des personnes qui garantissent que ses actes sont conformes à des statuts extrêmement réglementés, validés par le ministère de l’Intérieur et dont le fonctionnement est placé sous le contrôle d’un commissaire du gouvernement. Sa première mission est donc de garantir l’indépendance du Groupe. Mais il faut savoir qu’une fondation n’a pas un objet social, mais un but. Ainsi, la Fondation Artzainak s’est donné un but philanthropique : soutenir des projets économiques d’intérêt général qui vont notamment dans le sens de maintenir et développer des entreprises et des emplois dans les territoires ruraux en général.
Son fonctionnement ?
M. E. – La fondation est constituée de plusieurs collèges : celui des fondateurs, celui des personnes qualifiées, celui des donateurs et celui des institutionnels, avec notamment la CCI Pays Basque et la Safer Aquitaine. La fondation a vocation à soutenir des projets et pas à participer au fonctionnement de telle ou telle initiative.
Comment est-ce ressenti en interne ?
M. E. – C’est bien vécu par les salariés. Une telle démarche les inspire notamment parce qu’elle se veut exemplaire en termes de RSE. Et encore plus par ceux au contact des clients qui voient avec intérêt le côté vertueux de cette fondation venant renforcer l’indépendance et l’ancrage local. Cela a aussi beaucoup de sens pour les clients. En plus, cette démarche s’accompagne de la transmission totale du pouvoir, puisque j’arrête mes fonctions de Pdg. Toute l’équipe se mobilisera alors autour de mon successeur, Beñat Cazanave, actuel directeur général en charge du développement industriel, qui prendra le relais.
Vous en parlez à d’autres entrepreneurs ?
M. E. – Oui, parce que je suis convaincu qu’une telle démarche est pertinente pour pérenniser des entreprises et des emplois sur des territoires comme le nôtre. Une fondation d’utilité publique est un actionnaire qui est embêtant pour les prédateurs, parce qu’il est présent pour protéger certains actifs, pour faire en sorte qu’ils conservent leur statut d’intérêt général par l’ancrage garanti. Sans aller jusqu’à donner toutes ses actions à une fondation, il est possible de transmettre de quoi constituer une minorité de blocage, pour éviter des attitudes pouvant compromettre l’avenir de la société sur place. Quand j’échange avec d’autres dirigeants, ça interpelle et ça ouvre d’autres horizons.
C’est une décision mûrement réfléchie…
M. E. – Cela fait 10 ans que je travaille sur la meilleure manière de transmettre le Groupe pour qu’il reste basé ici et qu’il continue à participer à la dynamique du territoire et à la pérennisation des emplois. La vente à un acheteur extérieur ouvre le risque d’un transfert progressif de l’activité vers d’autres territoires et particulièrement dans des métropoles plus accessibles. La création d’une fondation permet, si nécessaire, de faire entrer un partenaire portant le même état d’esprit. Cela met une sorte de garde-fou vertueux pour de nouveaux actionnaires potentiels.
Sur le plan financier, quels avantages pour Artzainak ?
M. E. – La donation de 76% des parts à une fondation évite à l’entreprise de payer le coût d’une vente, qui aurait pesé sur elle, d’une manière ou d’une autre, même étalée sur plusieurs années. De plus, la fondation ne va prendre que très peu de dividendes. Les bénéfices du groupe sont toujours restés dans l’entreprise jusqu’à présent, pour financer son développement, et il en sera de même avec cette transmission, et de manière durable.
En quoi le groupe que vous avez créé est atypique…
M. E. – Au-delà de sa raison d’être, dont j’ai déjà parlé, de sa volonté de contribuer au bien commun localement et à l’épanouissement des salariés, il est atypique par la grande diversité de ses activités portées par 7 filiales, dont 5 sont implantées en Soule au Pays Basque : l’aéronautique, le bâtiment-travaux publics, l’agricole, les énergies, le nautisme… Ainsi, quand un secteur est moins porteur, les autres peuvent compenser. La force vient également du fait que la sous-traitance ne représente que 20% du chiffre d’affaires. Les autres 80% sont générés par la fabrication de produits propres, avec une mise sur le marché par nos équipes.
Avec un fort engagement RSE ?
M. E. – Nous sommes un groupe engagé et responsable, et cela se concrétise à travers de nombreuses initiatives qui ont du sens. Nous privilégions la promotion interne avec la formation et Artzainak se distingue également par un management patient, qui laisse le temps de s’installer. Le ciment entre les collaborateurs est le plaisir de travailler ensemble avec des valeurs fortes.
Le groupe en bref…
Le groupe souletin a commencé avec la création de trois entreprises : EBL, spécialisée dans la transformation de composites et plastiques (1985) ; Emeca, dans la mécanique de précision (1989) ; et Armax à Gotein, qui fabrique des armatures sur mesure (1992).
En 1998, Michel Etchebest a racheté la société Lecomble et Schmitt à Urt, spécialisée dans la conception et la fabrication d’appareils à gouverner hydrauliques pour le nautisme. Il a également créé la holding Artzainak qui a permis de centraliser mutualiser de nombreuses compétences.
L’impressionnante saga du groupe souletin va ensuite se poursuivre à un rythme soutenu. Jugez plutôt : 1999, création du bureau d'études industriel Asma ; 2008, Drillstar Industries (équipements de forage), basée à Lons, rejoint le groupe ; 2010, c’est le tour de Lagarde qui conçoit et fabrique des matériels pour l'entretien des espaces verts et des voiries ; 2021, création de la société Giltza (solution de gestion d’accès) ; en 2022, le groupe a racheté la société Darco (robinets industriels).
Le Groupe Artzainak emploie 250 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros.
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