Après un parcours assez classique (CAP, BEP, BAC pro en cuisine au lycée Pardailhan à Auch) et plus un an de spécialisation de desserts de restaurant, Nicolas Lormeau s’est perfectionné aux côtés de chefs étoilés, à l’instar de Gérald Passédat au Petit Nice, Michel Trama à l’Aubergade, Bernard Bach au Puits Saint-Jacques, Gilles Goujon à l’Auberge du Vieux Puits.
Il est arrivé à Pau en 2015 pour se rapprocher des racines béarnaises de sa compagne, Coralie Viguier- Lormeau. Son aventure paloise débute avec l’ouverture du restaurant Lou Esberit (signifie éveillé, joyeux en occitan), rue Adoue à Pau.
Le premier établissement de Nicolas Lormeau a migré à Bizanos en octobre 2021 et est devenu L’Esberit. Son produit de prédilection ? Il l’a tatoué sur ses avant-bras : « Le cochon est un produit que l’on peut exploiter à fond. Cet animal est très ancré dans le terroir du Sud-Ouest. Il n’y a pas si longtemps, il n’y avait pas une ferme qui ne tuait pas un cochon chaque année », rappelle-t-il.
Il faut dire que la maison blanche aux volets bleus du 34 boulevard du Commandant René Mouchotte est fortement ancrée dans le patrimoine historique palois. En effet, de nombreuses figures sont passées dans cette maison datant du 19e siècle : durant l’Entre-deux-guerres, elle était connue sous le nom de Park Lodge, une école anglo-américaine, elle a aussi été habitée par Gustave Monod. L’histoire raconte qu’Alexis Leger, plus connu sous son nom d’auteur Saint-John-Perse, venait en vélo pour faire des lectures chez son ami, sous le magnolia. Autre figure paloise ayant vécu dans ces lieux : la phoniatre (ancêtre de l’orthophoniste) Mme. Robert, très réputée dans son milieu.
Le chef et sa compagne Coralie Viguier-Lormeau, en charge de la communication et la partie administrative de l’Esberit, nous ont reçus dans ce cadre bucolique pour nous parler de leur établissement.
D’où vous vient cette passion pour la cuisine ?
Nicolas Lormeau (N.L) : Je suis un grand gourmand, en bon épicurien, j’adore les bons produits, leur histoire et je suis fan de tout ce qu’on peut manger. Je viens d’un milieu où on a toujours beaucoup mangé, où on faisait le jardin et élevait des animaux. Depuis aussi longtemps que je m’en souvienne, j’ai toujours voulu faire ce métier. J'aime faire revivre des plats de notre enfance, faire découvrir ou redécouvrir des saveurs.
Est-ce que vous avez des souvenirs particuliers rattachés à cet univers ?
N.L : Je n’ai fait que des maisons marquantes dans mon parcours professionnel, c’est un univers hors du commun qui transforme les personnes qui y travaillent. J’ai travaillé avec des chefs très identitaires, passionnés et exigeants.
Mais bien avant cela, j’adorais quand ma mère tuait un poulet, j’ai toujours le souvenir de la sanquette qui cuit dans la poêle, arrosée de vinaigre. J’ai aussi le souvenir des cèpes à la braise que l’on mangeait avant d’aller couper du bois avec mon père, les petits oiseaux qui tournent à la broche…
Que représente l’Esberit pour vous ?
N.L : Pour moi, l’Esberit c’est beaucoup de travail. On voulait en faire un restaurant gourmand, où les gens viennent passer un moment, et pas juste manger des plats. Il va nous falloir une année complète pour pouvoir nous roder.
On a fait plusieurs événements en invitant des chefs dans notre cuisine. À l’avenir, nous aimerions aussi organiser un marché des producteurs sur place et aménager des cours de cuisine pour les particuliers. En bref, créer un véritable lieu de vie, d’échange et de partage. Même si on a un profil de restaurant gastronomique, on veut casser les codes, être pop et fun.
Coralie Viguier-Lormeau (C.V-L) : Nous nous sommes imprégnés de l’atmosphère et de l’histoire de ce lieu. L’ancien séjour a été transformé en salle de restaurant, la cuisine de la maison a été réaménagée et les chambres sont devenues des salons. L’Idée, c’est que vous veniez manger dans une maison, comme le samedi soir.
Déjà élu « Jeunes Talents 2021 » par Gault & Millau, vous venez également de recevoir le 28 juin dernier le prix « Terroir d’exception » Nouvelle-Aquitaine toujours décerné par ce guide. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
N.L : Je ne veux pas être le chef qui dit « non, je m’en fous ! ». C’est toujours gratifiant de recevoir un prix. Ça met en lumière le travail de l’équipe, autant en salle qu’en cuisine. C’est bonard pour tout le monde : le restaurant, la commune et même la région. Ce guide fait partie des institutions dans notre profession.
Ce guide gastronomique français fondé en 1972 est parvenu à se renouveler, avec un profil jeune et dynamique, ce qui est important dans notre activité. Ils suivent de jeunes chefs dont personne n’a entendu parler, ce sont des dénicheurs de talent. Bien entendu, je ne dis pas ça parce qu’ils m’ont remis plusieurs prix.
Votre philosophie se résume ainsi : de bons produits, au bon endroit, au bon moment…
N.L : C’est exact. Le but du jeu, c’est de travailler de bons produits, au bon moment, au bon endroit, dans la bonne saison et avec les bons producteurs. C’est ça notre mission au quotidien. Le Béarn est un véritable terroir d’exception. Nous avons la chance d’avoir un panel de produits extraordinaires pour notre métier.
Pour donner un exemple, nous avons beaucoup de gibiers au pied des Pyrénées et dans le même temps, nos poissons viennent tous les matins de la criée de Saint-Jean-de-Luz. C’est vraiment royal ! On a la chance de collaborer avec de bons artisans, passionnés par leurs produits et qui les cultivent de manière ultra raisonnée. À nous de leur rendre hommage avec notre cuisine.
C.V-L : Nous faisons appel à plus d’une quarantaine de personnes de la région, aussi bien pour la nourriture, que pour l’ameublement, le design, les assiettes et couverts… Les réseaux sociaux nous aident beaucoup à découvrir de petits producteurs qui habitent au milieu de nulle part.
Le secteur des cafetiers-hôteliers-restaurateurs connaît une pénurie de main-d’œuvre. Votre établissement est-il aussi impacté ?
N.L : Oui. C’est vraiment catastrophique : il nous manque actuellement au moins deux postes en cuisine et dans quelques mois, il manquera toute la cuisine. L’Esbérit est un établissement gastronomique, il y a donc beaucoup de détails, de mise en place et de préparation.
La pandémie a montré à plein de gens qu’ils pouvaient gagner autant, en faisant de meilleurs horaires. La restauration demande une amplitude horaire très contraignante, ils ne veulent plus travailler le soir ou le samedi. On ne peut pas leur en vouloir de privilégier leur vie personnelle plutôt que professionnelle. J’aimerais pouvoir donner des salaires de ministre à mes employés, mais ce n’est pas possible pour nous. À cela viennent s’ajouter des salaires bas et un manque de reconnaissance, de valorisation du travail dans notre secteur.
À quand le premier restaurant béarnais étoilé ?
N.L : Être le premier établissement étoilé fait partie de nos ambitions, on travaille dans ce sens-là, mais ce n’est pas nous qui décidons et ce n’est pas une fin en soi. On essaie d’abord de régler les problèmes du quotidien, comme le manque de personnel.
Pour découvrir la cuisine gourmande et généreuse de l’Esbérit, il va falloir vous dépêcher : le chef et sa compagne ferment le restaurant du 13 août au 7 septembre, de quoi faire une pause et reprendre des forces. Pour mieux nous régaler encore et toujours…
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