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RENCONTRE AVEC...Le chef pâtissier Aleksandre Oliver s’éclate au Palais

A 34 ans, il constitue un duo d’exception avec le chef Aurélien Largeau, à la tête de la table étoilée du palace biarrot. Inspiration, talent et liberté…
Arrière-petit-fils du mythique Raymond Oliver, Aleksandre est « tombé tout petit dans la marmite ». Dans un registre totalement différent, il porte haut la tradition familiale : « Les chiens ne font pas des chats », s’amuse-t-il.

Vos débuts, côté cuisine ?
Aleksandre Oliver –
Ayant du mal à m’accomplir au niveau scolaire, j’ai commencé à travailler très tôt dans le restaurant de mon père à Bordeaux, le Café Gourmand. Tout jeune, j’étais également très inspiré par l’art et l’architecture. Après mon CAP, j’ai voulu apprendre par moi-même, seul, faire des erreurs, faire mes propres recherches… en autodidacte curieux. A 18 ans, après un apprentissage avec les Compagnons du devoir et une expérience dans les cuisines du Café Gourmand, je me sentais frustré. En fait, je n’aimais par les produits de la mer. Je ne pouvais pas les goûter, ni prendre du plaisir à les préparer… compliqué ! Mon premier grand déclic a été la découverte de la pâtisserie.
 
Vous aviez trouvé votre voie…
A. O. –
Complètement. Je suis resté à Bordeaux jusqu’à 26 ans, avant d’aller sur de les bords du lac d’Annecy, à la Maison Bleue du chef doublement étoilé Yoann Conte. Ce fut le deuxième gros déclic, avec une vision et une approche passionnantes tournées vers l’excellence. La découverte du goût, de l’émotion, des recherches vers l’unique pour conquérir une 3e étoile. (NDLR – Pendant cette période, il décrocha le titre de Jeune pâtissier de l’année au Gault & Millau, et celui de Pâtissier de l’année au Passion Dessert du Guide Michelin).
 
Comment êtes-vous arrivé à l’Hôtel du Palais ?
A. O. –
Après la Haute-Savoie, je suis revenu à Bordeaux, au Grand Hôtel. Puis, il y a deux ans, j’ai eu l’opportunité de rejoindre l’Hôtel du Palais à Biarritz aux côtés d’Aurélien que je connaissais bien. Je n’ai pas hésité, d’autant plus que j’avais envie de venir au Pays Basque où je me rendais souvent avec mon père. Quel plaisir ! Le cadre est magique, la dimension exceptionnelle...

Votre positionnement ?
A. O. –
Avec Aurélien, nous avons chacun notre partie. Ce qui nous permet d’avancer très librement, tout en assurant une continuité naturelle entre salé et sucré. Personnellement, j’aime les desserts à l’assiette qui obligent à être intelligent et malin, à se remettre en question en permanence, avec 6 ou 7 créations à la carte. Chaque jour, je les regoûte, je les retouche régulièrement pour améliorer. C’est une perpétuelle évolution, pour faire un peu mieux chaque jour. Personne n’a la vérité. L’important est de se faire plaisir de proposer une vraie identité dans l’assiette. Tout cela va bien avec mon esprit touche à tout.

Vous travaillez avec des producteurs locaux ?
A. O. –
Oui, je veux être très attentif au local, au sourcing. Je connais tous les producteurs et je vais les voir au moins une fois par an, pour suivre leurs méthodes et leurs différentes productions. Ce qui permet de travailler parfaitement avec eux pour coller aux saisons, aux évolutions de la nature. C’est une fierté de pouvoir s’appuyer sur eux. Pour le restaurant gastronomique, je travaille ainsi avec un réseau de 25 producteurs qui s’enrichit régulièrement. Ainsi, je demande aux nouveaux s’ils ont d’autres personnes à me conseiller.
 
On sent une énorme passion…
A. O. –
Je suis effectivement totalement passionné par ce que je fais. Une conscience est née et j’essaye de l’entretenir. J’ai besoin de savoir d’où vient chaque produit, et d’être sûr d’avoir des produits au top. Je travaille donc en fonction de ce qu’il y a, mais aussi en fonction de l’inspiration de ce qu’ils racontent, de souvenirs… Par exemple, mes déclinaisons autour des fruits rouges, particulièrement autour des fraises sont inspirées de deux souvenirs très forts. D’abord, le plaisir du petit-déjeuner avec ma mère : chacun avec notre bonne baguette de pain, abondamment tartinée avec du beurre et de la confiture de fraise. Ensuite, les fraises préparées avec mon père, dès le matin, pour les laisser macérer, avant de les allonger avec du vin, Bordeaux oblige. Une fraise maman, une fraise papa.

Ce sont des engagements forts…
A. O. –
Bien sûr. J’y mets un peu de mon âme. C’est comme si je me mettais à nu à chaque création. Mais d’abord, je me pose toujours deux questions essentielles : comment j’aime manger ce produit ? Comment traduire les souvenirs, les émotions ? En y répondant, on ne peut pas se tromper.
 
De l’audace ?
A. O. –
A la table gastronomique, par exemple, j’ai développé le côté iodé en introduisant de l’algue. Cela ajoute une sucrosité dingue, qui va très bien avec la pâtisserie. Ça surprend, mais cette alliance séduit quand on trouve le bon équilibre. Elle est maintenant reprise par beaucoup. Je pousse la recherche, les saveurs, les textures, le subtil… avec toujours de la gourmandise. Les deux menus, "Sur le fil de l’iode" et "Balade en Nouvelle-Aquitaine," racontent de vraies histoires avec les producteurs. Au bistrot, je suis davantage sur une pâtisserie gourmande, lisible, traditionnelle… mais avec toujours de la magie. Comme pour l’île flottante revisitée, unique, que l’on trouve seulement ici. Une règle pour toute pâtisserie : il faut donner envie de taper dedans, c’est d’abord un acte primitif.

Votre équipe ?
A. O. –
Actuellement, elle est composée de 17 personnes et de 3 stagiaires. En saison, nous montons jusqu’à 23. Nous devons tout assurer du petit-déjeuner au dîner, en passant par le goûter. Nous sommes comme une petite famille, avec une organisation qui permet de travailler à un rythme convenable pour tout le monde. Nous bénéficions d’une grande fidélité, grâce au cadre de vie mais aussi grâce à un noyau très solide. Ils savent qu’ils peuvent compter sur moi et je sais que je peux compter sur eux. Ils sont quasiment devenus des amis et ils sont challengés en permanence sur de nouvelles créations. Pas le temps de se lasser.

Comment est venue l’idée de l’œuf de Pâques ?
A. O. -
Au départ, je voulais faire un œuf de Pâques façon Fabergé, comme un bijou. Mais la fermeture de l’hôtel pendant un mois, en février, ne laissait que trop peu de temps. Avec la réouverture du palace qui est lourde, il ne restait que 15 jours, pour permettre de communiquer avant Pâques. Il fallait donc trouver d’autres idées réalisables dans un délai aussi court. Nous sommes finalement partis sur un œuf couvert de noisettes. J’ai failli y renoncer jusqu’à ce que la sous cheffe trouve la technique permettant de recouvrir entièrement la coque de chocolat noir avec des demi-noisettes bien croustillantes. Une composition particulièrement délicate : il faut deux bonnes heures pour coller une à une les demi-noisettes, et près de quatre heures pour la réalisation complète de cet oeuf. Conçu en très peu de temps, le résultat est très satisfaisant : un bijou visuel et gustatif de 750g, en série limitée qui interpelle. Le nom, « Casse-Noisette » est un clin d’œil au célèbre ballet du même nom, adaptation de la version d’Alexandre Dumas, du conte d’Hoffmann, avec une musique de Tchaïkovski.
 
Que représente pour vous la notoriété de Raymond Oliver, votre arrière-grand-père ?
A. O. –
Plus j’avance dans mon existence, plus je me rends compte de l’impact qu’il a eu dans la vie des gens, à travers des témoignages très forts, à travers les histoires qui me sont rapportées, liées au Grand Véfour à Paris ou à la première émission de télévision consacrée à la cuisine qu’il a créé en 1954, et animé, pendant 13 ans, avec Catherine Langeais. Il a marqué toute une génération, d’autant plus qu’à l’époque, il n’y avait qu’une seule chaîne de télévision. Il y a 7 ans, l’INA a republié sa recette culte de pâte à crêpes. Je ne l’avais jamais vue alors qu’elle avait fait un énorme buzz. C’était comme un sketch : il vidait la moitié d’une bouteille de rhum, du pastis, une bouteille de bière… On se dit, ce n’est pas possible, c’est un véritable cocktail. Il ne pesait rien, il faisait tout à vue d’œil… Alors on a décidé de tester la recette. Ça sort hyper bien, ces crêpes sont magiques. En fait, elles sont hyper bonnes, hyper parfumées, légères et d’une finesse incroyable. Du coup, je l’ai reprise pour faire une recette en hommage à Raymond Oliver. Par moment, je pense à lui, je pense qu’il me regarde et je me dis que je ne peux pas le décevoir. Ceci dit, je n’ai pas de pression particulière, car je fais ce métier parce que ça m’amuse. Par plaisir.

A suivre : Dans les coulisses avec Aleksandre Oliver et son équipe, en photos


Informations sur le site internet de l’Hôtel du Palais

Photos : Solenne Loustalan

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