À Biarritz, le mois d’avril sent bon la wax, le sable humide et les retrouvailles avec une vieille amie : la Maïder Arosteguy. Depuis bientôt quatre décennies, la compétition de surf fait figure de marée sûre dans le calendrier de la glisse européenne. Ce n’est pas juste une épreuve, c’est une institution qui mêle performance, transmission et hommage, le tout sous le regard bienveillant de l’océan Atlantique. Chaque année depuis 1984, les surfeurs se donnent rendez-vous sur la Grande Plage pour saluer la mémoire de Maïder Arosteguy (tante de la maire de Biarritz), figure de la cité balnéaire disparue tragiquement en mer, et soutenir un événement porté à bout de bras par un certain Robert Rabagny.
Lui, c’est un peu le capitaine du navire. Depuis la première édition, il tient la barre, contre vents et marées. Organisateur infatigable, Rabagny est un pionnier du surf en France, mais surtout un gardien du temple. Il rappelle souvent que personne ne doit se sentir propriétaire de la Maïder, comme une promesse de passage de relais. La Maïder, c’est son bébé, mais un bébé collectif, nourri par l’engagement des commerçants de la ville, la passion des bénévoles, le soutien d’anciens champions et l’émerveillement de générations de jeunes riders.
Un line-up qui envoie du lourd
Du 19 au 21 avril, la Grande Plage va de nouveau vibrer au rythme des séries, des drops vertigineux et des cris du public massé sur le sable. Environ 250 compétiteurs sont attendus cette année, des minots de 12 ans aux athlètes confirmés de l’Open. Et si les prévisions météo restent à surveiller, les vagues, elles, ne devraient pas manquer à l’appel. Rabagny assure qu’en 39 ans, aucune édition ne s’est déroulée sans vagues. Une régularité digne d’un swell hawaïen, qui permet à la compétition d’ouvrir chaque année la saison de surf en France.
Samedi, les cadets et juniors ouvriront le bal sur des vagues plus douces, avant de laisser la houle se renforcer dimanche pour l’Open, réservé aux plus de 18 ans. Lundi, les finales devraient envoyer du spray à gogo. Mais cette année, l’enjeu ne se limite pas à la beauté du geste : avec 20 000 euros de prize money, équitablement répartis entre les hommes et les femmes, la Maïder joue désormais dans la cour des grands. Rabagny fait remarquer que cette dotation est équivalente à celle du Lacanau Pro. Une somme rondelette qui hisse la Maïder au niveau des étapes WQS (World Qualifying Series), malgré une baisse des subventions publiques. Il explique que ce tour de force a été rendu possible grâce à un tissu local solidaire et des partenaires privés engagés aux côtés de l’événement.
Parrainage de haut vol
Cette année, le casting est particulièrement soigné. En marraine, Stéphanie Barneix, championne du monde de sauvetage côtier, incarne à merveille l’âme de l’événement. Elle aussi vit au rythme des marées et connaît la puissance autant que la tendresse de l’océan. Très touchée par l’histoire de Maïder Arosteguy, elle confie ressentir un lien intime avec cette femme passionnée de mer, disparue dans les flots. Pour elle, la symbolique est forte : en tant que championne de sauvetage, elle dit mesurer avec gravité et humilité ce lien entre la beauté de l’océan et sa puissance parfois imprévisible.
À ses côtés, un autre ambassadeur joue les big wave riders : Clément Roseyro, fraîchement sacré champion du Nazaré Tudor Challenge 2025, a le surf de gros dans le sang. Il garde un souvenir tendre de ses débuts à la Maïder, se souvenant avoir gravi le podium à l’âge de 13 ans. Aujourd’hui, il revient avec plaisir, animé par l’envie de partage. Il espère pouvoir discuter avec les jeunes, leur transmettre des conseils, et surtout, prendre du plaisir à l’eau. Loin du stress des compétitions professionnelles, Roseyro incarne cette nouvelle génération de surfeurs qui n’oublie pas d’où elle vient.
Le surf, entre mémoire et transmission
Car si la Maïder impressionne par son niveau, elle touche aussi par son positionnement. C’est un événement à taille humaine, profondément ancré dans son territoire, mais dont le rayonnement dépasse largement les frontières du Pays basque. Des surfeurs venus de Bretagne, de Méditerranée, des DOM-TOM, du Portugal ou de Grande-Bretagne se pressent pour inscrire leur nom au palmarès. Et parfois, des figures planétaires s’invitent dans le line-up.
En 2023, Lisa Andersen et Justine Dupont ont honoré la compétition de leur présence. Cette année encore, des invités légendaires sont annoncés. Parmi eux : Mark Cunningham, champion du monde de bodysurf ; Laird Hamilton, icône du surf tracté ; Kelly Slater, l’homme aux onze titres mondiaux ; ou encore Luc Ferry et Henri Leconte, figures inattendues mais fidèles soutiens de la manifestation. C’est aussi ça, la Maïder : un melting-pot joyeux où le sport de glisse rime avec esprit de famille.
À la veille de fêter sa 40e édition en 2026, la Maïder semble plus vive que jamais. L’idée de doubler le prize money l’an prochain circule déjà dans les coulisses. Objectif : franchir la barre symbolique des 40 000 euros, pour une édition anniversaire qui marquera l’histoire. Mais au fond, au-delà des chiffres et des trophées, c’est l’âme de la Maïder qui fait sa force. Une âme nourrie par l’océan, le souvenir de Maïder Arosteguy, la passion de Robert Rabagny et l’énergie de tous ceux qui font de ce rendez-vous un moment unique, chaque année, à Biarritz.
Sébastien Soumagnas
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