Au Pays Basque, vous devez désormais le savoir, les traditions sont précieuses et tenues en haute estime. Parmi elles, la pastorale occupe une place de choix. Cet art théâtral séculaire, enraciné dans la culture basque, est une véritable ode à l’histoire, à la mémoire collective, et à l’esprit communautaire. L'occasion de mettre en avant la province de Soule qui perpétue cette tradition contre vents et marées.
Pour la première fois, cette forme artistique traditionnelle se réinvente à travers une pastorale bilingue, en basque et en gascon, intitulée "Inesa de Gaxen". Ce spectacle, qui sera présenté les 21 et 22 septembre 2024 à Bardos, est le symbole d’une volonté profonde de perpétuer et de faire vivre les traditions culturelles d’un territoire unique, le Pays Charnègue, où se mêlent les influences basques et gasconnes.
Ainsi, le village de Bardos sera plongé dans une atmosphère féerique dès les premières heures du matin, avec un défilé des interprètes et musiciens de la pastorale. Ce cortège vibrant et festif, prévu à 11h, précédera l’apothéose de la journée : la représentation de la pastorale à 15h30. Durant près de trois heures, plus de 125 acteurs, musiciens et bénévoles feront revivre l’histoire d’Inesa de Gaxen, une jeune femme accusée de sorcellerie au XVIIe siècle. Ces deux jours de festivités seront l’occasion pour les habitants du Pays Charnègue et les spectateurs venus de tout horizon de renouer avec l’histoire locale et de redécouvrir l’importance des traditions.
Un destin marqué par les persécutions
L’histoire d’Inesa de Gaxen est à la fois tragique et emblématique. Née en 1566 à La Bastide Clairence, elle est confrontée, dès son adolescence, aux persécutions religieuses qui sévissent à cette époque de part et d’autre de la Bidasoa. À 14 ans, elle est arrêtée à Hendaye, accusée de sorcellerie par le seigneur d’Urtubie. Cette première accusation marquera profondément son destin. Inesa, après avoir été innocentée par l'évêque de Dax à l'âge de 18 ans, tentera de reconstruire sa vie à Irun, en épousant un soldat de Fontarabie. Cependant, en 1611, elle fait à nouveau face aux mêmes accusations. Malgré une deuxième réhabilitation, son sort reste incertain, et elle disparaît mystérieusement, laissant derrière elle un héritage empreint de mystère et de résistance face à l’injustice.
La pastorale met en lumière cet épisode sombre de l’histoire du Pays Basque, marqué par la chasse aux sorcières qui sévissait à l’époque. Elle illustre également la violence faite aux femmes, souvent désignées comme boucs émissaires des malheurs et des superstitions. Le choix de cette thématique résonne encore aujourd’hui, dans un monde où les discriminations perdurent, et où la mémoire des persécutions reste un sujet de réflexion essentiel.
Tradition et modernité : une pastorale bilingue
Ce qui rend cette pastorale unique, c’est son caractère bilingue, une première dans l’histoire de cette tradition théâtrale. Sous la direction de Pantxika Urruty, l'errejent (metteur en scène), le spectacle est conçu pour mettre en valeur la diversité linguistique et culturelle du Pays Charnègue. Cette région, à cheval entre le Pays Basque et la Gascogne, a toujours été un lieu de rencontre et de cohabitation de plusieurs langues et cultures : le basque, l'occitan-gascon, mais aussi le français, le castillan, et même le portugais, à l'époque de l'Inquisition.
Itxaro Borda, auteure du texte en basque, et Yvan Bareyre, qui l’a traduit en gascon, ont ainsi travaillé ensemble pour que chaque partie du spectacle soit interprétée dans ces deux langues. Le résultat est une immersion totale dans une époque et un lieu où ces deux langues cohabitaient naturellement, reflétant l’âme du territoire et son héritage pluriculturel.
Projet collectif et intergénérationnel
La pastorale d’Inesa de Gaxen ne se résume pas à une simple performance artistique. Elle est avant tout le fruit d’un engagement collectif. Plus de 125 bénévoles se sont investis pendant plus d’un an pour mettre sur pied ce spectacle. Des acteurs aux musiciens, en passant par les techniciens et les couturiers, chacun a apporté sa pierre à l’édifice pour que ce projet voit le jour.
Ce travail d’équipe a permis de créer des liens forts entre les habitants des villages de la région, unissant plusieurs générations autour d’un but commun : faire vivre et transmettre le patrimoine culturel local. L’objectif de cette pastorale est avant tout de transmettre. À travers ce projet, les jeunes générations découvrent non seulement les traditions locales, mais aussi une partie de l’histoire trop souvent oubliée, celle des persécutions et des résistances.
Le week-end du 21 et 22 septembre, Bardos vibrera au rythme des chants, des danses et des récits historiques de la pastorale. Avec un décor champêtre en plein air, derrière le stade du village, les spectateurs pourront plonger dans une ambiance d’époque tout en découvrant une œuvre bilingue, unique en son genre. Les billets sont disponibles en ligne, et un livret du texte de la pastorale, traduit en français et en espagnol, sera également en vente sur place.
Cet événement promet d’être un moment fort de partage et de découverte, une véritable célébration de l’histoire et des traditions du Pays Charnègue. Grâce à cette pastorale, c’est tout un territoire qui se réunit pour honorer ses racines et perpétuer une culture riche, diverse et vivante.
COUP DE POUCE
Inesa de Gaxen, comme beaucoup d'organisations au Pays basque se battent pour perpétuer les traditions du territoire. La pastorale est l'un des joyaux de la culture basque et la Soule continue de mettre en avant ses racines pour que ces coutumes ne tombent pas dans l'oubli. A cet effet, l'association mérite des coups de pouce de notre part.
N'hésitez pas à relayer cet article auprès de vos contacts et via vos réseaux sociaux, afin de mettre en lumière, de médiatiser la culture basque, en particulier en Soule, qui est beaucoup moins abordée que les autres provinces basques.
Sébastien Soumagnas
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