Mardi dernier, Bruno Le Maire a dévoilé les détails du plan de soutien de l’État à la filière aéronautique. « Ce plan était très attendu et on peut en saluer l’ambition. La filière ne pouvait avant cela compter que sur elle-même et ce n’est plus le cas. Mais les commandes ne seront pas au rendez-vous tout de suite et la crise s’annonce très longue. Les donneurs d’ordres ne prévoient pas de retour à la normale avant 2023, voire 2024 ou 2025 », note Christian Houel, ancien président et actuel trésorier de l’UIMM Adour Atlantique, qui couvre le 64 et le canton de Tarnos.
Ce plan de soutien devrait permettre d'accélérer des projets innovants, qui auraient pris beaucoup plus de temps sans l'aide de l’État. « Nos clients vont bénéficier des budgets du Corac (Conseil pour la recherche aéronautique civile), qui vont être multipliés par deux en 2020 et par quatre en 2021 et en 2022 », explique le dirigeant à propos de l’aide globale d’1,5 milliard d’euros (sur 3 ans) à la R&D.
« Il faut que nous, PME et ETI, ne soyons pas hors-jeu. Ce qui est également important pour les industriels, c'est la prolongation du chômage partiel, à condition d'obtenir, dans le cadre des négociations avec la ministre du travail, des modalités d'application raisonnables ».
Les voyants sont au rouge…
Car la situation est claire : les compagnies aériennes sont dans le rouge et dans leur sillage, les grands donneurs d’ordres de l’aéronautique civile, chez nous Airbus et Safran, ont été contraints de réduire leurs cadences, et par conséquent leurs commandes à un large tissu d’entreprises fortement dépendantes.
En d’autres termes, le plan de soutien permettra de limiter la casse à court terme, mais les interrogations sur le plus long terme demeurent. Rien qu’en Nouvelle-Aquitaine, près de 50.000 salariés et plus de 500 entreprises opèrent dans l’aéronautique.
Selon le dirigeant, les sous-traitants et équipementiers de la filière accuseraient sur le bassin de l’Adour des baisses d’activité allant de 20 à 50%. « Les grands groupes pourraient rapidement annoncer de mauvaises nouvelles, lesquelles auront forcément un impact sur leurs nombreux fournisseurs », ajoute Christian Houel, par ailleurs président d’Aquitaine Électronique (aujourd’hui AECE).
Le cas de l’entreprise de Serres-Castet est en lui-même particulièrement éclairant. Il montre d’abord que reconversion et diversification ne suffiront probablement pas à guérir la filière : « Aujourd’hui, Aquitaine Électronique ne réalise que 20 à 25% de son chiffre d’affaires en dehors de l’aéronautique, alors que nous travaillons à cette diversification depuis déjà 30 ans. Cela ne se fait pas si simplement, et les concurrents des secteurs visés ne nous ont pas attendu pour se développer sur leurs marchés ».
Et nous parlons pourtant d’une entreprise au profil se prêtant bien à la diversification, œuvrant dans l’électronique, pour des automatismes ou du contrôle commande. AECE travaille déjà pour l’agroalimentaire (Candia, Famille Michaud), le médical (Sanofi) ou encore l’énergie (Total, Teréga). Le dirigeant prévoit une chute de 15 à 20% de son chiffre d’affaires pour 2020.
Quelles solutions pour demain ?
Et bien entendu, que ce soit pour se reconvertir, survivre ou continuer de se développer, il faut des compétences, de la trésorerie et de la R&D. Et pour tout cela, tout comme pour ces relocalisations tant espérées, il faut des commandes et des rentrées d’argent. « Bien sûr, on aura toujours besoin d’avions, quelle que soit leur forme. L’aéronautique n’est évidemment pas morte », explique Christian Houel. Seulement il faudra en passer par des mois difficiles, et vraisemblablement par une restructuration de la filière.
« La solution passera très certainement par la capacité des PME et ETI du secteur à se fédérer et à se positionner ensemble en intégrateurs plutôt qu’en sous-traitants isolés. Le "je sais tout faire moi-même" a sans doute atteint ses limites », commente le dirigeant.
Pour le dire autrement, chacun devra peut-être se recentrer sur ses spécialités, afin de les mettre au service d’une polyvalence collective, dans des usines communes, à l’image de ce que l’on peut déjà voir dans des pays comme la Chine ou l’Allemagne. Où l’on comprend que les mutations déjà en cours depuis une décennie dans cette filière aéronautique pourraient s’accélérer, avec de la consolidation et des groupements d’entreprises.
Dans les années à venir, l’union fera donc probablement plus que jamais la force dans ce secteur-clé de l’économie locale et nationale. Si une telle réorganisation était possible et permettait la survie du tissu d’entreprises du secteur, ces dernières pourraient demain en profiter pour voler dans un ciel plus éclairci, avec une concurrence internationale un peu moins rude. C’est évidemment tout ce que l’on espère.
L’UIMM Adour Atlantique pendant la crise…
Durant la période de confinement, l’UIMM Adour Atlantique a accompagné les entreprises dans leurs démarches et porté la voix des industriels auprès des différents acteurs du monde socio-économique territorial. À travers les enquêtes et réunions d’échanges menées auprès des adhérents, il est ressorti un intérêt certain à se mobiliser collectivement autour d’opportunités de proximité pour la conservation de l’emploi et des compétences, pour le développement de nouveaux projets, pour trouver de nouveaux partenariats, pour penser la mutualisation, mais aussi pour travailler individuellement sur les aspects de consolidation de l’entreprise, de diversification, etc.
L’UIMM Adour Atlantique reste aujourd’hui mobilisée et travaille avec les partenaires locaux, territoriaux et régionaux pour aider les industriels à traverser cette période économiquement difficile. L’union locale rappelle que 81% des industriels de la métallurgie du territoire observent une baisse de chiffre d’affaires immédiate et pour le prochain trimestre, avec un impact de 20 à 50% selon les entreprises. Pas moins de 64% d’entre elles subissent une tension sur leur trésorerie à court et moyen terme, tandis que 51% ont opté pour un report de leurs investissements, lequel pourrait entraîner des réductions d’effectifs.
Pour tenter de faire face à cette situation inédite, l’UIMM Adour Atlantique a mis en place plusieurs actions concrètes, avec d’un côté une bourse d’échanges incluant prêt de main d’œuvre inter-entreprises pour organiser le maintien si crucial des compétences (qui vient s’ajouter à une politique volontariste pour la formation et l’alternance), hub de l’emploi « L’industrie recrute » et sous-traitance de capacité de production, et de l’autre un accompagnement individuel et collectif via des mises en relation individualisées, des visioconférences sur des sujets comme la consolidation, la diversification et la mutualisation des moyens, et enfin l’accès à un portail d’affaires pour le dépôt et la recherche d’annonces sur les fusions, acquisitions et cessions d’actifs et les partenariats.
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