Dirigé par Jean-Pierre Cointreau, le groupe Renaud Cointreau, outre le champagne Gosset et le cognac Frapin, possède un large portefeuille de marques de liqueurs régionales, souvent d’ailleurs de belle valeur historique, telles la gentiane Salers (Massif Central), la verveine du Velay de la distillerie Pagès, le Birlou d’Auvergne ou encore l’illustre Noyau de Poissy, « la plus ancienne liqueur laïque de France ».
Depuis l’an dernier, ce groupe de spiritueux de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires exploite la liqueur basque Izarra. La licence a été reprise à Spirited Brands, la société de Roland Giscard d’Estaing, qui l’avait lui-même acquise en 2015 du groupe Rémy Cointreau (celui de la fameuse liqueur éponyme), lequel la tenait depuis 1981 de la famille Grattau.
On ne sait s’il faut vraiment présenter la liqueur Izarra, imaginée à Hendaye au tout début du XXe siècle par le pharmacien et botaniste Joseph Grattau, puis distillée à Bayonne de 1912 à 1998.
Entre temps, le légendaire pelotari Chiquito la fera goûter au roi Édouard VII d’Angleterre, Hemingway en servira une lichée dans son premier roman et le leader russe Khrouchtchev en avalera une lampée du côté de Pau.
Nous sommes alors au début des années 60, période faste où les ventes atteindront 1,2 million de bouteilles par an, contre environ 50.000 aujourd’hui.
Un fort potentiel culturel et des perspectives commerciales…
Le nouveau pari de Jean-Pierre Cointreau est de faire revivre ce glorieux passé, ce qui semble pour lui passer par une relocalisation de la production sur les terres originelles de l’Izarra. On rappelle (quand même !) que cette liqueur verte ou jaune est un « assemblage » de 13 à 16 plantes et épices « très précisément dosées, distillé dans un alambic en cuivre » et « dont on ne retient que le cœur de deux distillations successives ».
Le distillat obtenu est ensuite « assemblé à trois longues macérations, l’une de brou de noix, l’autre de pruneaux d’Agen, et la dernière de coques d’amandes », puis « le tout est topé d’Armagnac et repose avant sa filtration et son embouteillage ». Les deux boissons titrent à 40° d’alcool, mais il existe également un « Izarra 54 » (à 54°) reproduisant au plus près la formule originelle de ce qui était au départ un digestif.
Les plantes et épices utilisées aujourd’hui vont de la noix de muscade à la coriandre en passant par l'angélique, le céleri, le serpolet, la cardamome, l’anis vert et la menthe poivrée.
Pour l’heure, la boisson est toujours distillée en Corrèze, à Turenne, après l’avoir été pendant deux décennies à Angers. Autrement dit, elle serait presque en train de faire le chemin du retour. C’est du moins le souhait du dirigeant de Renaud Cointreau, qui mûrirait un projet dans l’esprit de celui de son « Cassissium » bourguignon de Nuits-Saint-Georges.
Car en effet, ce musée vivant du cassis héberge en même temps la production des illustres crèmes de cassis de la maison Védrenne, aujourd’hui propriété de Renaud Cointreau : il accueillerait plusieurs dizaines de milliers de visiteurs par an. Fort de cette expérience réussie sur les terres du chanoine Kir, « l’autre Cointreau » pourrait donc bien convertir le même genre d’essai au Pays basque, où s’écouleraient d’ailleurs les deux tiers de la production d’Izarra.
Un tel projet reste une aventure, mais il pourrait finalement faire sens, aussi bien culturellement qu’économiquement, alors que la liqueur reviendrait en force dans des cocktails du type « mojito basque », « Fizzarra » ou « Izarra tonic ». Les perspectives à l’étranger pourraient aussi être intéressantes. À l’export partiraient déjà 20% des bouteilles, essentiellement en Benelux, ce qui laisse aussi pas mal de portes ouvertes.
Bref, on vote pour le retour au pays !
Plus d’informations sur le site internet izarra.fr
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